C’est une question de bon usage comme dirait le père Grevisse [2]. Pour le philosophe, l’abécédaire est un exercice prestigieux et dangereux. Gilles Deleuze [3] a commis un « abécédaire » testamentaire filmé que tout "honnête homme" se doit de posséder dans sa vidéothèque. Il commence par une mise en garde sur le risque de paralysie inhérent à toute définition rigide de sa pensée.
Pour le révolutionnaire, l’abécédaire fait partie de son arsenal. Les mots sont ici des armes et il n y’aura pas de critique des armes sans armes de la critique pour paraphraser le professeur Karl Marx [4].
Nestor Makhno [5] a ainsi écrit un court « abécédaire de l’anarchiste révolutionnaire » qui lui sert de profession de foi.
Ces deux documents sont tout autant une introduction à leurs pensées qu’une mise au point sur le bien fondé de celles-ci.
En parlant de fondement, toute définition est quelque part un enfant dans le dos [6], une trahison. Un point d’arrêt sur image sur laquelle on choisi de faire le point.
Images et mots sont ici au centre d’une démarche documentaire qui privilégiera l’imagination. Cet abécédaire ne prétendra pas faire autre chose qu’une collection de mots plaçant chacun d’entre eux dans les différentes cages d’un zoo formant un bestiaire sauvage de bons mots.
C’est à vous, lecteur-chercheur, qu’il reviendra d’en libérer certain et surtout d’en cadenasser d’autres.
Comme toute collection, elle demeurera inachevée, libre à vous de la compléter en récoltant ou inventant de nouveaux éléments. Soyez cependant certains, qu’avant même qu’elle ne soit constituée, l’on est déjà en train de piller cette collection pour en revendre les plus belles pièces sous forme de concepts marketing ou de propagande fasciste.
Pour donner la clef de cette cage aux mots, sachez que la méthode choisie est la curiosité, tout est donc fait pour susciter l’intérêt, le désir ou l’effroi entourant chaque mot.
Leur ordre formel sera donc purement laissé à l’arbitraire alphabétique latin qui nous sert ici de seule référence transcendante. Chacune des notices pourra donc être lue pour elle-même ou en rapport avec d’autres. Des liens de ressemblance et d’affinité existent certainement mais cet abécédaire ambitionne surtout de contribuer à l’émergence d’hybrides monstrueux ou magnifiques.
Il s’agit donc d’un exercice de style, peu accommodant avec la rigueur d’un dictionnaire ou la cohérence d’une doctrine.
On y trouvera donc un peu de tout comme dans l’inventaire du père Prévert [7]tout en y retrouvant toujours un peu de la même chose du tonneau de maître Queneau [8].
Rien de très scolaire, beaucoup de révolutionnaire dans cet attirail pour petit chimiste des mots.
Cet abécédaire est donc à prendre comme un bric à brac conceptuel, une boite à outils révolutionnaires mise à la disposition du lecteur qui la trouvera tantôt utile, tantôt curieuse, tantôt désastreuse mais en tout cas jamais ennuyeuse.
Vince Er