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La RTBF méprise-t-elle l’une de ses missions ?

dimanche 28 octobre 2012

Nous publions une carte blanche proposée par Bernard Hennebert, et parue également dans La Libre de ce 25/10.

Le public a accès à divers types de réunions ou de rassemblements : des conférences, des colloques, des manifestations, mais aussi des audiences au Palais de Justice... ou des séances du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) au cours desquelles tel ou tel diffuseur tente de se défendre quand il est accusé d’avoir, par exemple, diffusé de la publicité clandestine.

Un « agenda citoyen » permettrait au public de découvrir les dates et lieux de pareils rendez-vous. Y assister renforcerait sa solidarité, développerait sa compréhension de la réalité sociale, politique ou médiatique. Ce sont des occasions qui peuvent également lui donner envie de s’impliquer davantage. Trop souvent, le public n’a la possibilité, qu’après coup, de découvrir dans un média le compte-rendu de tel ou tel événement.

On trouve normal que la RTBF diffuse un agenda culturel mais qui pense à proposer de même pour les activités de la vie sociale ? Le service public : une logique plus culturelle que sociale ? Pourquoi pas les deux ?

François Martou, Rudy Demotte, Anne Morelli, etc.

Cet argumentaire mena quelques personnalités à co-signer, en 2001, une carte blanche qui demandait à la RTBF de créer, en télévision, un agenda consacré aux activités d’éducation permanente. C’étaient notamment le regretté François Martou, Président du MOC, Philippe Hensmans (Amnesty International), Serge Hustache (Action Commune Culturelle Socialiste) ou Jacques Sepulchre (La Ligue des Familles).

Extrait : « Ces “rendez-vous”, faute d’une médiatisation large, ne touchent souvent que des publics limités et déjà convaincus. Que d’énergie perdue alors qu’il serait si facile d’offrir tant d’occasions de se former, de dialoguer et d’agir à tant et tant de personnes potentiellement intéressées ! C’est une manière concrète de lutter contre un individualisme de plus en plus présent, de s’opposer aux extrémismes et de favoriser l’accès à la gestion de la cité ».

Cette proposition fut ensuite soutenue par plus de cinq cent représentants de la société civile : on y retrouve les noms du Ministre de la culture de l’époque (Rudy Demotte), d’une quinzaine de parlementaires (tous partis confondus) de deux membres du Conseil d’Administration de la RTBF (Jacques Liesenborghs pour ECOLO et Laurent Despy pour le PS) ainsi que de très nombreuses personnalités du monde associatif ou académique (Thierry Van Campenhout, Anne Morelli, Serge Noël, Isabelle Pauthier, France Lebon, Isabelle Simonis, Thérèse Jeunejean, etc.).

Cette revendication qui émanait d’usagers de la RTBF (elle était coordonnée par l’Association des Téléspectateurs Actifs) fut reprise dans le contrat de gestion applicable au 1er janvier 2002 : il prévoit que la RTBF propose « une émission présentant l’agenda des manifestations d’éducation permanente en Communauté Wallonie-Bruxelles ».

Un boulet ? Avec un retard de plus de 26 mois qui équivaut, pour le secteur associatif, à un préjudice d’un bon millier d’activités non annoncées, la RTBF mettra enfin, avec fort peu de bonne volonté, Ça bouge à l’antenne en mars 2004. Le personnel affecté à cette émission sera dès plus restreint (l’équivalent d’environ deux temps plein). Un budget de 500 euros sera prévu par numéro. Avec ces « presque rien », des réalisateurs ertébéens arriveront pourtant à produire un programme attractif.
La presse hebdomadaire ne sera même pas informée correctement du démarrage de l’émission.
En 2011, cette émission était programmée en première diffusion sur La Deux le samedi à l’heure où les parents font leurs courses et où les enfants vont au sport ou au conservatoire...

Retrouver un équilibre entre les missions

C’est très discrètement que la RTBF a exclu Ça bouge de ses nouvelles grilles 2012.
Le besoin sociétal duquel découlait cette émission garde toute son acuité mais le service public fait comme s’il était obsolète.

Par contre, fin août dernier, la RTBF a concentré ses projecteurs sur nombre de nouvelles émissions distractives : le magazine Flash présenté par le duo Elodie de Sélys-Cathy Immelen, Possible-impossible, Tournée générale (panorama des bières belges), Le Bêtisier de la Rentrée, le prime-time de Sans Chichis, Méfiez-vous des idées reçues, L’ami Ben (Poelevoorde), The Voice 2, etc.

Certaines de ces émissions ont bien entendu leur place si elles correspondent aux définitions précisées dans le contrat de gestion actuel : la RTBF doit proposer « des programmes réguliers de divertissements attractifs, misant sur la qualité, la différenciation et l’ancrage en Communauté française », ainsi que des jeux « mettant en valeur notamment l’imagination, l’esprit de découverte ou les connaissances des candidats ».

La RTBF sous-estime, voire discrédite, l’éducation permanente alors que, précisément, les parlementaires de la majorité, à l’issue de leurs récents travaux préparatoires à l’élaboration du prochain contrat de gestion, ont demandé à la ministre Laanan d’être particulièrement attentive au déploiement de cette mission.

Un pied de nez de la RTBF à l’égard de sa tutelle politique ?
Au moment où elle multiplie les programmes onéreux à paillettes, et les (auto)promotionne à outrance, elle réduit singulièrement l’offre « éducation permanente » qui était déjà maigrichonne. Aucune nouvelle émission n’est annoncée pour cette saison. Par contre, les suppressions – sans remplacement - se succèdent : après l’arrêt des remarquables programmes (autres que les bêtisiers !) consacrés aux archives (Zoom arrière et Ce jour-là), voici donc Ça bouge aux oubliettes.

Il faut retrouver un équilibre.

Le divertissement et le sport (du moins en ce qui concerne les disciplines les plus spectaculaires : football, Formule 1, cyclisme, tennis, etc.) disposent de trop de moyens en terme de production, de présence au prime-time, et de communication, ce qui marginalise d’autres missions ertébéennes.
Il convient donc de rétablir un plus juste équilibre non seulement dans la programmation et dans le financement accordé aux différentes obligations, mais aussi dans les horaires de diffusion qui leur sont attribués et dans les moyens mis oeuvre pour faire connaître leur existence au public : bandes annonces, insertions promotionnelles dans la presse écrite, autopromotions dans les contenus rédactionnels en radio ou en télé.

Bernard Hennebert,

Auteur de « RTBF, le désamour » (2012 – Couleur Livres)
Coordinateur sur site www.consoloisirs.be

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