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Les colonies israéliennes : la politique du fait accompli

samedi 15 juin 2013, par Nathalie Janne d’Othée

En juillet 2012, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté la création d’une mission d’experts indépendants chargés d’ « enquêter sur tous les effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits de l’homme des Palestiniens dans le territoire palestinien occupé ». Le rapport de mission publié en février 2013 est l’occasion de faire le point sur l’évolution de la colonisation israélienne. Pour rappel, selon l’article 49 de la IVe Convention de Genève, « il est interdit à la puissance occupante de procéder au transfert d’une partie de sa propre population civile dans un territoire occupé par elle ». 

Initiée en 1967, dès le lendemain de la guerre de Six jours, par un gouvernement travailliste, la colonisation israélienne du territoire palestinien occupé ne s’est plus arrêtée depuis. Que le gouvernement en place soit de gauche ou de droite, cela n’a eu un impact que sur l’intensité de cette politique, jamais sur sa continuité. 

En 1993, alors que les accords d’Oslo laissent entrevoir la fin de l’occupation et une solution à deux Etats, la colonisation se poursuit. Le problème des colonies n’est pas traité dans les accords négociés à Oslo. Pour la plupart issus de la diaspora et ne vivant pas sur le sol palestinien, les négociateurs palestiniens n’avaient alors pas une vision claire de l’ampleur du phénomène sur le terrain. 

Suite à l’assassinat de Yithzak Rabin (travailliste) en 1995, la politique de colonisation s’intensifie avec l’arrivée au pouvoir de Benjamin Netanyahou (Likoud). La colonisation au-delà de la Ligne verte – ligne de d’armistice de 1949 prise comme base pour la négociation des frontières - est selon lui d’importance nationale pour défendre Israël et réaliser les buts sionistes. C’est également la période à laquelle sont construits les premiers « outposts » ou colonies sauvages. 

Mis à part ces « outposts », il est nécessaire de souligner que la colonisation a toujours été une politique d’Etat. Il ne s’agit en rien d’un phénomène autonome que l’Etat constaterait et essayerait d’endiguer. En 1999, et puis en 2001, les programmes gouvernementaux respectifs d’Ehud Barak (travailliste) et d’Ariel Sharon (Likoud) prévoient ainsi explicitement la construction dans les colonies existantes, même s’ils ne prévoient pas d’en établir de nouvelles. 

Mais même cette petite atténuation travestit la réalité. « Continuer à développer les colonies existantes », ou permettre une « croissance naturelle des colonies » ne revient pas seulement à rajouter un ou deux étages à certains immeubles ou à aménager quelques infrastructures. Les limites municipales des colonies sont parfois très larges et laissent des possibilités d’extension énormes. Par ailleurs, les « outposts » continuent à être construits en toute impunité à l’extérieur des limites municipales des colonies. S’ils ne sont pas à l’initiative du gouvernement, ces « outposts » sont pourtant immédiatement reliés à l’électricité, protégés par l’armée et la plupart du temps régularisés par les gouvernements successifs. La colonisation est partie intégrante de la stratégie de contrôle du territoire par Israël. 

En 2005, Sharon décide unilatéralement du démantèlement des colonies de la Bande de Gaza. Selon un de ses conseillers, Dov Weisglass, la véritable raison de ce désengagement est de détourner les pressions internationales et de geler le processus de paix. Cela a également permis d’intensifier la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ainsi que d’ancrer un peu plus profondément ses racines grâce à la construction du mur. 

En 2002, Ariel Sharon approuve en effet la construction de ce que les Israéliens appellent une « barrière de sécurité » mais qui s’avère être un mur d’annexion. Il englobe en effet les gros blocs de colonies du côté israélien du mur, retraçant de facto de nouvelles frontières entre Israël et la future Palestine. Dans son avis du 4 juillet 2004, la Cour Internationale de Justice déclare le tracé du mur illégal. Mais malgré cette condamnation, Israël poursuit impunément la construction du mur… et des colonies. 

En novembre 2009, la pression des Etats-Unis pour la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens amène Israël à accepter un moratoire de dix mois sur la colonisation en Cisjordanie. Le moratoire ne concernait pas Jérusalem-Est où les efforts de colonisation ont donc pu être renforcés. Or la colonisation autour de Jérusalem-Est coupe de plus en plus la ville de la Cisjordanie, l’empêchant de facto de devenir la capitale du futur Etat palestinien. Aujourd’hui encore, Israël fait mine de vouloir imposer un moratoire de trois mois sur la colonisation. On peut légitimement se poser la question de la portée d’un tel geste, d’autant plus quand on sait pertinemment que la colonisation reprendra de plus belle une fois la période de moratoire passée. 

Au fil des années, la colonisation gagne ainsi du terrain empêchant progressivement l’établissement d’un futur Etat palestinien. Les colonies sont de véritables tumeurs au sein du territoire palestinien puisque de quelques préfabriqués au départ, elles évoluent rapidement vers des constructions en dur, reliées à l’électricité, protégées par l’armée, entourées d’une zone tampon interdite d’accès aux Palestiniens, reliées à Israël par des routes de contournement… Pour ceux qui peuvent constater l’ampleur de la colonisation sur le terrain, la solution à deux Etats semble de plus en plus utopique. 

Le rapport des Nations-Unies se conclut par une série de recommandations non seulement à Israël, mais aussi à la communauté internationale afin que cette dernière elle agisse conformément au droit international et cesse toute complicité avec l’entreprise de colonisation israélienne. Actuellement, les Etats membres de l’UE examinent par exemple la possibilité d’imposer un étiquetage distinctif sur les produits des colonies commercialisés sur leurs marchés.

L’Association belgo-palestinienne considère néanmoins que cette solution n’est pas cohérente. Comment peut-on en effet régulièrement condamner la colonisation, en souligner l’illégalité, les conséquences sur les droits des Palestiniens, et ensuite laisser ces produits entrer sur nos marchés ? Au lieu d’étiqueter ces produits illégaux, nous voulons qu’ils soient interdits. Il est plus que nécessaire de mettre rapidement un terme à la politique israélienne du fait accompli. 

Nathalie Janne d’Othée
Association belgo-palestinienne 
 

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