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Les nouvelles précarités étudiantes ou la Reproduction 2.0

dimanche 3 février 2013, par Renaud Maes

Il est bon de le rappeler : l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles [1] est l’un des plus élitistes d’Europe – voire de l’ensemble des pays développés. En effet, les classes exploitées [2] y sont très largement sous-représentées. Ce constat est bien connu de tous les chercheurs belges qui étudient la question de l’accès à l’enseignement supérieur et a été posé de manière tellement virulente par l’enquête européenne Eurostudent 2000 que la Communauté française s’est empressée de ne plus participer aux enquêtes de ce type, sous la pression notamment de certains recteurs. Pour quiconque s’intéresse à la reproduction des élites au travers du système d’enseignement, la Fédération constitue donc un objet de case study particulièrement intéressant… Mais pour le militant qui cherche à contrer cette reproduction, l’enseignement supérieur de la Fédération est aussi un exemple particulièrement désespérant.

Une sociologie en miroir

Ce qui caractérise le mieux tout le système éducatif de la Fédération, c’est l’existence d’un nombre incalculable de mécanismes de relégation. A chaque niveau d’analyse (types d’enseignement, filières, institutions et même à l’intérieur des institutions), on retrouve la même structure permettant la perpétuation de hiérarchies sociales. L’existence de phénomènes « macro » évidents (par exemple, le fait que le choix du type d’études à la sortie du secondaire soit très largement fonction du milieu social d’origine de l’étudiant) a tendance à masquer les mécanismes concrets, qui s’exercent au quotidiens et permettent la discrimination des étudiants issus des classes populaires. Afin d’appréhender comment s’organise cette « structure fine » à l’université, j’ai entrepris durant deux années une série d’interviews d’étudiants universitaires particulièrement précarisés d’une part, et extrêmement nantis d’autre part. Cette « sociologie en miroir » permet de mettre en évidence l’existence d’au moins deux types de réalités étudiantes parfaitement étanches l’un à l’autre [3]. La disjonction entre ces « mondes » révèle le caractère intrinsèquement inégalitaire du système universitaire belge et, ce faisant, montre qu’il est globalement peu efficace d’envisager de solutionner le problème de l’accès à l’université par des modules « add-on » (comme du tutorat, des guidances et autres initiatives qui viennent se « greffer » sur le système en place).

Dès le choix d’études et, au sein d’un programme, des options, les différences sociales se marquent. Ainsi au sujet du choix d’options, Thomas, un étudiant ingénieur de gestion issu d’une famille extrêmement fortunée et dont les deux parents sont universitaires explique :

« J’ai consulté mon père et lui a consulté ses amis, dont un professeur qui m’a tout de suite reçu dans son bureau pour me conseiller sur les options les plus porteuses. […] Il m’a indiqué les meilleurs profs. Ceux qui expliquent mieux, ceux qui ont les bons assistants. Il m’a donné quelques résumés de bouquins en anglais pour prendre un peu d’avance. »

Gilles, un étudiant de la même filière, issu d’une famille très précaire et dont les deux parents n’ont pas de diplôme du secondaire supérieur relate un tout autre parcours :

« Je ne savais pas trop ce qui me plairait. J’ai d’abord demandé au PMS de l’école où j’étais, mais il ne connaissait pas les cours de l’unif. […] Pour finir, j’ai pris rendez-vous avec un conseiller d’orientation de l’ULB mais il m’a dit d’aller voir à la faculté et la secrétaire de la faculté m’a dit d’aller voir un conseiller d’orientation. Bon, en fait, j’ai un peu choisi au hasard en fonction du titre du cours. Puis aussi, j’ai demandé pour les options, à ceux qui avaient déjà suivi les cours par exemple, ceux qu’on pouvait réussir facilement. »

Sahra, étudiante en première année de communication, dépendant d’un CPAS, a quant à elle eu beaucoup de difficultés pour trouver des études qui lui conviennent et qui agrée le centre.

« Moi je voulais faire psycho, mais l’assistante sociale m’a dit que c’était pas vraiment une « filière porteuse » comme on dit. En fait, elle croyait que je n’aurais pas de travail en sortant, sans doute qu’elle le sait mieux que moi, elle voit tous les jours des gens sans emploi. Elle me disait de faire une haute école, par exemple infirmière parce qu’il y a des « pénuries ». Mais je ne supporte pas de voir du sang, donc tu m’oublies ! Alors j’ai essayé de trouver quelque chose de facile et qui convienne pour le CPAS. Et là j’ai trouvé la liste des « débouchés » sur le site internet pour de l’ULB communication, donc j’ai imprimé et l’assistante sociale était plutôt convaincue. Bon, elle m’a dit aussi que je devrais faire les langues, pas du journalisme. »

Marie, étudiante en faculté de médecine, vient quant à elle d’une famille très aisée, et témoigne également de la manière dont elle a dû négocier son orientation.

« Je voulais avoir le diplôme en psychologie, et mes parents ont hésité. Ils trouvent que ce n’est pas vraiment un diplôme très prestigieux. Ma mère a suggéré que je commence par un diplôme de master plus sérieux, puis qu’après ce premier diplôme, je poursuive vers une filière plus orientée vers « l’humain ». […] Nous avons été voir des amis de mes parents qui travaillent dans le milieu « psy », ils reçoivent des clients [sic.]. Ils m’ont dit que la médecine me permet de m’orienter après vers la psychiatrie et faire un travail de psychologue mais en plus sérieux. Donc pour finir, j’ai dit « ok » pour médecine, mais comme c’est plus dur que la psycho, mes parents m’ont payé un cours privé de mathématiques pour me préparer. »

Les services payants pour rattraper un retard ou préparer les épreuves, Thomas aussi y a eu recours :

« D’abord, je vois avec les autres quels sont les meilleurs résumés. Ensuite, j’ai demandé aussi conseil à mon parrain [ndlr : un étudiant plus âgé désigné par le cercle folklorique]. (…) J’ai eu des difficultés en Physique, mais j’ai suivi une dizaine d’heure de cours avec un étudiant de Sciences. J’ai aussi dû prendre quelques rendez-vous avec un assistant pour qu’il m’explique sa matière en Sciences éco. »

Quant à Gilles, son embarras lorsqu’on lui demande de décrire de sa préparation d’examen est visible.

« J’ai eu certains syllabus un peu tard, il y a des profs qui ont pris du temps à les sortir. J’ai imprimé les powerpoint sur l’université virtuelle, mais je n’avais que du noir et blanc, donc ce n’était pas très lisible ! Puis j’avais mes notes, aussi, donc j’ai repris mes notes, surtout, j’ai fait du classement et voilà. Bon ce n’est pas très sérieux, mais j’ai fait du mieux que je pouvais. »

Sahra explique que le CPAS n’a pas vraiment aidé dans la préparation et le passage des examens :

« Ce qui m’a un peu hystérisé, c’est que le CPAS m’a envoyé une convocation au milieu du blocus. Pour m’informer sur la recherche de job, une séance d’information en groupe. Moi je voulais pas y aller : je devais préparer un cours à pète. […] J’ai vraiment eu la rage quand j’ai été forcée d’être à ce truc toute une après-midi et tout. On aurait vraiment dit que c’était fait exprès. Mais le pire, c’est qu’après, on a dû tous chercher un job, pendant les semaines d’examens ! Avec un petit carnet pour mesurer nos efforts où tu dois noter ce que tu as fait pour trouver un job. Comme si on avait que ça à faire pendant les examens. »

On pourrait multiplier les exemples à l’envi : tous montrent qu’à chaque étape du cursus universitaire correspond une épreuve extrêmement rude pour les étudiants issus des classes dominées, épreuve dont parfois les étudiants aisés ne conçoivent même pas l’existence.

Spécialiser les traitements pour ne pas résoudre les problèmes

Pourtant, il est évident de nombreuses initiatives sont prises pour essayer de résoudre les difficultés éprouvées par les étudiants « moins aisés » - comme les appellent les managers d’université. La première réponse est évidemment la mise sur pied « d’aides sociales » via des services sociaux étudiants. Il s’agit pour l’essentiel d’aides financières permettant pour partie [4] de payer les frais académiques – c’est-à-dire engendrés en grande part par l’institution elle-même – des étudiants de « condition précaire ou modeste » - comme les appelle la législation.

Il s’agit donc, en réalité, de résoudre financièrement ce qui n’est conçu que comme un problème financier : l’accès aux études n’est conçu uniquement qu’en termes de budget. Or, comme le montrent les témoignages ci-dessus, il existe aux moins deux types de ressources qui sont indispensables pour la réussite des études : un réseau social et des ressources culturelles – qui permettent notamment de comprendre les « règles du jeu » universitaire. En d’autres termes, la réussite est fonction du capital économique, social et culturel des étudiants [5]. Le problème d’accepter une telle lecture de la réussite est qu’elle bat en brèche « l’idéologie charismatique » qui se fonde sur les figures mythiques de l’effort et du talent, idéologie largement dominante dans les institutions universitaires [6].

Systématiquement, donc, les réponses apportées dissocient les aspects « sociaux » et « académiques » : la lutte contre l’échec ne consiste qu’à résoudre des « lacunes » d’étudiants par rapport à des « prérequis » ; l’accès des étudiants « pauvres » à l’université n’est qu’une question d’argent. En spécialisant les traitements à des problèmes conçus comme indépendants, les managers universitaires et les décideurs politiques se condamnent – plus ou moins sciemment – à ne jamais résoudre les inégalités sociales que le système universitaire contribue à engendrer. Pire encore, cette disjonction conceptuelle permet de renforcer encore ces inégalités – comme on le constate depuis plus de 10 ans [7].

Par exemple, l’organisation des cours de « propédeutique » permettant censément de rattraper les lacunes des étudiants « moins bien préparés » avant l’entrée dans les supérieur participent d’un filtre social : pour les nombreux élèves qui n’ont d’autre choix que de travailler durant les vacances, ces cours sont tout simplement inaccessibles.

De manière générale, la plupart des mesures de soutien scolaire étant organisées en plus du programme des cours, elles excluent les étudiants qui travaillent pour payer leurs études, comme le décrit Jonathan, étudiant en deuxième année du bachelier en sciences humaines de l’ULB – qui a dû abandonner la chimie car les horaires de cours étaient inconciliables avec un travail à temps partiel :

« J’ai obtenu du patron un horaire adapté pour travailler sans manquer les cours. Et puis là, au premier semestre, on m’apprend qu’en fait, les horaires du site web sont n’importe quoi à cause des problèmes d’encodage. En plus, juste après, tu te rends compte que les coachs et tout ça ne sont dispos qu’après les cours, évidemment. Donc pour moi, c’est impossible : je travaille à ce moment-là. Et puis, j’apprends qu’on doit aller à des rendez-vous sur les travaux avec les assistants et les profs, et que ces rendez-vous ont lieu en dehors de l’horaire aussi. »

Autre exemple : la pédagogie par projet, visant à favoriser la réussite par une pédagogie « active », s’accompagne de telles inégalités d’accès aux ressources (ne fût-ce qu’en termes du matériel nécessaire pour construire un gadget) qu’elle renforce encore les mécanismes de relégation. Il en est bien sûr de même quant à l’accès aux « nouvelles technologies de l’information et de la communication » dont l’usage est imposé dans de nombreuses filières au nom de « l’innovation pédagogique ».

Ahmed, étudiant émargeant au CPAS inscrit en première année de bachelier de « l’Ecole Polytechnique » (ULB) :

« Alors, tu as le podcast : des vidéos que tu es supposé regarder en plus du cours. C’est le prof, avec des petites animations, tout ça. C’est sympa, mais c’est du boulot en plus. D’abord, moi, j’ai un souci pour faire tourner les vidéos sur le PC à la maison quand tout le monde est là [8], donc je viens à l’université, mais souvent il n’y a pas les bons programmes pour voir le podcast. Bon, et puis ça prend du temps, et beaucoup de temps. Mais je dois travailler, moi aussi : avec ce que me donne le CPAS, je ne sais pas tout payer – ma part du loyer et tout – donc comment je fais si je dois passer un temps fou à préparer les cours ? »

Enfants de prolétaires ? Au travail, et vite !

L’évolution actuelle du système d’enseignement supérieur en général et universitaire en particulier provoque un ralentissement progressif de la « massification » entamée dans les années 60. Par exemple, l’ULg a vu son nombre d’étudiant primo-inscrits stagner (si l’on ne tient pas compte des effets liés aux fusions-acquisitions récentes), l’ULB a « décroché » de la courbe démographique bruxelloise. Dans ce contexte, il ne faudra pas s’étonner que leurs autorités universitaires adoptent des discours pour le moins ambigus en ce qui concerne l’accès universel à l’université, pourtant cher à Wilhelm von Humboldt, l’inventeur du modèle allemand d’universités alliant recherche et enseignement et dont tous les managers universitaires ne cessent de se réclamer. Quelques extraits du discours de rentrée académique du Recteur de l’ULB, Didier Viviers, résument parfaitement les volontés d’élitisation de l’université :

« Non pas que l’Université doive réussir le pari impossible de former tous les citoyens. Bien évidemment. […] un financement décent de la formation des étudiants est indispensable pour assurer la diversité sociale de nos futures élites. Et, plutôt que d’abolir les examens d’entrée existant […] intéressons-nous à d’autres formules d’ouverture, fondées sur le talent et le mérite. Les solutions de « discriminations positives » lorsqu’elles visent à une intégration efficace sont, de l’avis de beaucoup, une voie à ne pas négliger. Rappelez-vous la volonté de Sciences-Po (Paris) [9], il y a quelques années, d’ouvrir son recrutement sans pour autant supprimer le concours d’entrée. Beaucoup d’autres pistes peuvent être étudiées. Mais, de grâce, que le monde politique ne confonde pas la démocratisation avec la massification. Tandis qu’une vraie démocratisation libère l’individu de sa condition sociale de naissance, la massification, bien souvent, ne fait que l’y contraindre davantage. »

Si l’université doit être l’apanage d’une élite, que doivent donc devenir les masses ? La réponse est simple : elles doivent trouver « le plus tôt possible » le chemin « de l’emploi » - ou plus exactement, du marché du travail. C’est le sens de toutes les mesures récentes qui touchent les étudiants les plus précarisés, qu’elles prennent la forme de contraintes – par exemple, l’obligation faite aux étudiants émargeant à nombre de CPAS de suivre des cursus courts et directement professionnalisants – ou d’incitations – par exemple, la mise sur pied de « filières d’enseignement supérieur en alternance » sous la houlette du ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt (PS) vise spécifiquement, si l’on en croit le ministre, les étudiants issus des classes populaires. Ayant parfaitement intégré la doxa néolibérale qui entend limiter le nombre d’intellectuels au nom d’une rationalité économique, en favorisant notamment l’émergence des « métiers techniques » supposément en pénuries pour éviter les effets de « saturation du marché de l’emploi par les surdiplômés », les décideurs de l’enseignement supérieur organisent donc le système autour de ce principe.

Le cas des étudiants usagers (usagés) des CPAS est particulièrement symptomatique de ce que signifie concrètement ce « nouveau » modèle [10] : le principe fondamental qui régit les CPAS est en effet la mise à l’emploi et dès lors, le soutien aux étudiants est conditionné à une dérogation à la règle. Concrètement, les étudiants concernés doivent faire la preuve de l’utilité des études suivies en termes d’insertion socioprofessionnelle future, de faire « tous les efforts » pour réussir, d’avoir les « aptitudes » aux études, de chercher à travailler « dans les périodes compatibles avec les études » [11]. Ils sont confrontés depuis de nombreuses années à ce que signifie concrètement la nouvelle forme de mise en adéquation de l’enseignement (ou plutôt de la « formation ») et de l’emploi : il s’agit de considérer l’éducation comme un « outil » de « l’employabilité », responsabilité des individus, qui se substitue à l’obligation pour l’État de fournir un emploi aux travailleurs (droit au travail). Ce modèle étant par essence différencié, il lui est consubstantiel de procéder par des traitements inégalitaires [12].

Cette inégalité entre étudiants est parfaitement décrite par Ahmed : « J’ai raté ma première année, alors le CPAS a autorisé que je recommence si je réussissais ma session de janvier. Là je n’ai eu qu’un échec, au cours de stat, personne ne l’a réussi. Mais ils n’ont rien voulu entendre, ils ont suspendu l’aide. Les autres, ils avaient juste un échec, moi je n’avais plus de quoi vivre. C’est tout. »

La Reproduction 2.0

L’étude des nouvelles précarités étudiantes permet de mieux comprendre comment s’organise la reproduction des inégalités par l’enseignement supérieur, comment concrètement, le système continue à discriminer les étudiants issus des classes dominées. Il est évident que comme Bourdieu lui-même le soulignait dans les années 90, les exclus du système éducatif dans les années 60 ont été inclus dans celui-ci suite à la massification de l’accès à l’enseignement : cependant, le pendant de cette inclusion a été l’organisation d’un enseignement à « plusieurs vitesses », comprenant un grand nombre de filières de relégation. La perméabilité entre ces filières a toutefois permis une certaine démocratisation de l’enseignement en général et de l’enseignement supérieur en particulier.

Avec l’instauration d’une concurrence accrue entre institutions dans le grand marché européen de l’enseignement supérieur, ce modèle est brusquement remis en question. Au nom de la « nécessaire innovation » permettant de « rester à la pointe » des techniques d’enseignement, les institutions mettent en place des dispositifs qui contribuent à renforcer la sélection sociale. Les universités réorientent également leurs moyens vers le « core business » - enseignement et recherche, au détriment des politiques sociales héritées, pour la plupart, des volontés d’ouverture consécutives à mai 68. Les taux d’admission des étudiants « non-finançables » [13] chutent drastiquement, les étudiants se retrouvant en séjour illégal sur le territoire suite à une décision de l’Office des Étrangers sont tout simplement refusés là où autrefois des universités adoptaient une posture « engagée » consistant à réinscrire ces étudiants automatiquement, les admissions particulières (« passerelles », « VAE » et autres dispositifs du style) sont soumises à des conditions de plus en plus strictes.

Ce qui caractérise sans doute le mieux les nouvelles formes que prend la reproduction des inégalités par l’enseignement supérieur décrite par Bourdieu et Passeron dans les années 60, c’est la technicisation et la multiplication des mécanismes de discrimination, qui empêchent de poser un constat global et par là, laissent croire dans la fable d’une volonté d’ouverture des institutions universitaires, assénée lors de colloques et autres discours, mais contredite immédiatement par les faits et même par des diatribes soudaines se voulant du « bon sens universitaire » et dévoilant un racisme de classe inchangé.

L’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles est depuis plus de 25 ans déjà l’un des plus élitiste des pays développés : manifestement, il continuera encore longtemps à tenir cette pôle position.

Renaud Maes

Notes

[1Appellation désormais consacrée, bien que constitutionnellement questionnable, de l’ex-Communauté française.

[2Je me permets de ne pas user dans le présent article d’euphémismes usuels comme « milieux moins favorisés » qui, s’ils deviennent essentiels pour publier dans les « revues scientifiques » dont l’antipolitisme va de pair avec l’abrutissement croissant des chercheurs, s’avèrent des guides de pensée participant d’un projet d’orthopédie intellectuelle caractéristique du « système capitaliste ».

[3Je ne tirerai ici de ce travail que quelques exemples particulièrement frappants.

[4Les montants des aides octroyées aux « usagers » des services sociaux universitaires sont systématiquement inférieurs aux dépenses académiques annoncées dans les brochures publicitaires destinées aux étudiants étrangers.

[5Voir la thèse récente de Maud Van Campenhout (UCL, 2012), pour appréhender l’impact du capital culturel sur les parcours universitaires.

[6Voir R. Maes, L’accès à l’enseignement supérieur : à questions idiotes, réponses stupides, le JIM, 29 avril 2010. http://www.lejim.info/spip/spip.php?article109

[7Vermandele, C., Plaigin, C., Dupriez, V., Maroy, C., Van Campenhoudt, M. & Lafontaine, D. (2010) « Profil des étudiants entamant des études universitaires et analyse des choix d’études », Les Cahiers de Recherche en Éducation et Formation, n°78. UCL, Louvain-la-Neuve, Belgique.

[8NB : Ahmed vit avec son frère, sa belle-sœur et leurs 4 enfants

[9Notons que comme l’a parfaitement montré Joiciane de Souza, dans sa thèse sur le système « Sciences-Po » (Université Paris-Descartes, 2011), le mécanisme mis en place dans cette « Grande Ecole » stigmatise les étudiants qui sont admis par cette voie et empêche une réelle inclusion dans l’École.

[10En fait, ce modèle est déjà vieux d’une quarantaine d’année au moins : tous ses fondements ont été posés dans les années 70, de la théorie de la justice de Rawls à la saturation du marché des diplômés de Freeman.

[11Ce qui est concrètement interprété par plusieurs CPAS comme un job qui couvre la durée maximale prévue par la législation sur le job étudiant – on comprend dès lors les ravages que chaque allongement de cette durée provoque pour les étudiants usagers du CPAS.

[12Voir R. Maes, CPAS et étudiants : les limites de l’État social actif, in Ensemble – Journal du Collectif Solidarité contre l’Exclusion, 77, décembre 2012-mars 2013 ; http://www.asbl-csce.be/journal/JourColl77.pdf

[13Il s’agit d’étudiants pour lesquels la Fédération Wallonie-Bruxelles n’octroie pas de subside à l’institution. Sont notamment concernés les étudiants qui triplent sans se réorienter et les étudiants qui quadruplent. Les institutions peuvent cependant les inscrire en les finançant « sur fonds propres », ce qu’elles autorisent généralement sur base d’une analyse des causes de l’échec, dans des cas où des motifs de santés ou sociaux peuvent expliquer cet échec. Ces « dérogations » permettant l’inscription sont de moins en moins fréquentes dans toutes les universités.

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