Le Parquet et la section terroriste de la Police fédérale ne chôment pas. Et ratissent large. Pour ceux qui ne sont pas encore choqués par l’étendue (connue à cette heure…) du zèle policier, quelques explications sur les méthodes utilisées par les nouveaux « justiciers » de la démocratie libérale pour avoir le champ libre de réprimer.
2. Sur quels éléments se base une instruction terroriste ?
Sur quels éléments de preuve se base l’instruction terroriste ?
Dans l’affaire de la filière afghane, nous avons vu que les principaux éléments sur lesquels se base l’instruction ne sont pas vérifiables. Ils proviendraient d’informations transmises par les services secrets américains. Ce n’est pas, à notre connaissance, le seul dossier où cela arrive. Nizar Trabelsi, déjà jugé et condamné en Belgique, doit être extradé aux Etats-Unis pour y être … rejugé. Quelles sont les raisons invoquées par le Parquet ? Il y a quelques mois, l’avocate de Nizar Trabelsi s’exprimait en ces termes : Il nous est pratiquement impossible de le vérifier. Des extraits, seulement, de procès-verbaux sont fournis par les Américains, […] et quand on en demande d’autres, on nous répond que c’est impossible “parce que ces documents appartiennent à des autorités étrangères”. Nous ne pouvons donc pas évaluer le sérieux de la demande américaine ; et, dès lors, nous devons faire une confiance aveugle au parquet fédéral belge qui la relaye [1].
Or, une chose jugée ne peut l’être une seconde fois, et il est impossible de savoir si les Américains ont des éléments différents de ceux pour lesquels Trabelsi a déjà été jugé.
- dessin de Titom en copyleft
Les nouvelles pratiques et lois antiterroristes permettent ainsi à la machine répressive de s’étendre. Le délit de « participation aux activités d’un groupe terroriste » en une des notions centrales. Il n’est même pas nécessaire d’avoir des preuves matérielles d’une implication dans la commission d’actes violents, ou d’en « préparer ». Le contact, quel qu’il soit, avec un groupe qualifié de terroriste suffit aux poursuites. C’est sur cette base-là qu’ont été poursuivis des islamistes [2], mais aussi certains sympathisants du DHKP-C, ainsi que les 4 membres du Secours Rouge belge.
- Manifestation de soutien aux membres du secours rouge emprisonnés (21 juin 2008 )
Or, dans le cas du Secours Rouge, on ne sait pas ce que les photos des inculpés faisaient dans le jardin d’un « terroriste » italien. Quelle que soit la nature de la relation qui existait entre ces militants d’extrême gauche ou certains d’entre eux, et peu importe l’absence de preuves, l’interprétation que le Parquet fait de la loi est maximale.
Dans le cas des sympathisants du DHKP-C, il est clair que Bahar Kimyongur, par exemple, n’a jamais été lié à la préparation d’actes violents. Son activité était parfaitement légale… Incroyable, lorsqu’on pense que les personnes poursuivies risquent des peines extrêmement lourdes : de 5 à 10 ans de prison.
En termes juridiques, la loi est incomplète et doit être interprétée (Voir Pour bien comprendre). C’est dans les prétoires que, techniquement, vont se dessiner ses contours (voir notre interview de Jean-Claude Paye, à paraître le 21 septembre). C’est ce qu’on appelle la jurisprudence. L’instruction terroriste se base sur l’interprétation d’une loi volontairement floue. Et les nouvelles du front ne sont qu’à moitié bonnes…
Car le Parquet est en guerre. Et chaque bataille lui permet de renforcer son emprise sur l’interprétation de la loi. Un premier procès lui a (partiellement) donné raison : il s’agit de celui de la filière irakienne, appelé le procès GMIC. Les condamnations des membres présumés de cette filière ont consolidé la vision que le Parquet se fait de la loi [3], à savoir un instrument idéologique à portée extraterritoriale. Mais, encore une fois, cela ne vaut pas que pour les islamistes. Dans quelques semaines, le nouveau procès des sympathisants du DHKP-C va s’ouvrir le 14 octobre [4]. Au cas où la Cour suit le Parquet dans son argumentaire, la jurisprudence répressive de la loi sera renforcée dans la définition de la participation à un groupe terroriste (diffusion d’un communiqué) ainsi que dans les aspects extraterritoriaux [5].
Dans l’affaire du Secours Rouge (dont les inculpés ne sont pas encore au stade du procès – mais ça ne saurait tarder…), les enjeux sont un peu les mêmes pour notre super-Parquet. Il s’agit de condamner ces militants sans preuves, sur base d’une interprétation maximale de la notion de « participation aux activités d’un groupe terroriste ». Cette condamnation acquise, voilà notre loi, déjà pas mal carrée sur les bords, qui va se voir renforcée.
Voilà les faits... Mais c’est quoi finalement ce concept de terrorisme ? Qu’est-ce qui se cache derrière ? Nous essaierons d’en expliquer l’essence politique dans la dernière partie de cet article :
"Quand ils viendront nous chercher..."
Fiona Wallers