- (cc) Alex
Bienvenue à New York
Haut lieu de bains de foule épars
Dans un air peu libre
De fonctionnaires actives
Portant d’élégants tailleurs classiques
Avec d’informes chaussures de sports
D’obèses qui mangent des hot-dogs
Sans éructer
........……………………......
Ici personne ne s’occupe de personne
New York
Demeure des nomades
Station des marcheurs
N’ôte pas tes sandales
La vallée n’est pas sacrée
N’allège pas ton pas
Nulle dépouille ici
Point d’ancêtres
Et nuls sépulcres
Maintiens au contraire
Le rythme saccadé de tes pas
Avec le même fracas confiant
Car nul ne se perd
Dans ce labyrinthe bien clos
Bienvenue à New York
Là où la liberté dort
Debout
En statue
Rouée de coups de flashs
Assiégée par les touristes
Statue qui voit tout
Entend
Et ne dit mot
Bienvenue à New York
Ici la terre ne cesse de heurter le ciel
Violant ses mystères
Cherchant refuge loin auprès des étoiles
Accrochant sa dépouille
A une vieille branche de la voie lactée
- (cc) Lady Madonna
Bienvenue à New York
Où l’on fonde une école réaliste
Pour l’imagination du futur
Où l’on invente pour le monde
Sa nouvelle langue
Son unique langue
Et où l’on projette pour tous
Une vie paisible
Dénuée de sentiments
Et de rancœurs
Bienvenue à New York
Ici les Cow-boys ont tiré
Quarante et une balles
Sur Amado Diallo
Car sa couleur de peau avait nourri leurs soupçons
Ici le jeune Guinéen a quitté ses rêves
D’apprendre l’informatique
Et mener les électrons paître dans Silicon Valley
Ici le sang a imploré
Le sang :
Frère en ce brun de peau
O descendant de l’Afrique martyre
Vois tes concitoyens blancs et purs
M’apprendre au lieu de la programmation
A nager dans le sang épais
........……………………......
Frère, j’expire car mon rêve
Est de couleur claire
Mon unique forfait :
C’est de porter ma blessure et ma terre
Cherchant une patrie
D’ombre
Et d’eau
Ici le sang a renié
Le sang :
Suis-je ton frère à présent ?
Où étais-tu donc cousin
Lorsqu’ils ont traîné mon aïeul en esclave
A leurs champs du Sud ?
Qui parmi les tiens l’a protégé ?
Qui s’est battu pour lui ?
Et qui......?
Seul baigne maintenant dans ton sang
Ou abîme-toi là jusqu’aux racines
L’Afrique est enfer du monde
Maudits sont ses fils
Sans faute commise
Une sécheresse verdoyante grimpe
A l’arbre de la Terre
L’Afrique
En est le tronc rongé
Quant à toi, bienheureux peuple blanc
Engagé derrière la statue
Peuple du Paradis prédestiné
Délecte-toi dans la liberté, bienheureux
Choisis comme bon te semble :
Coca-Cola ou Pepsi-Cola
Macdonalds ou Burger King
Pizza Hut ou Domino’s Pizza
Visa ou Mastercard
Choisis la perpétuité ou la peine capitale
Tel-Aviv ou Jérusalem
L’Amérique ou l’Amérique
Choisis Ô peuple libre et heureux
Choisis entre Georges Sam
Et Georges W. Sam
Choisis sans te soucier du sang de Ham
Et ses rêves ébouriffés
Peuplés de Computer
Et peut-être d’une brune amante
Dont l’étreinte lui aurait fait oublier
La mort gisant là-bas
La sécheresse ténébreuse
Et le tronc rongé.
Taha Adnan, Boston, Octobre 2000.
Traduit par Siham Bouhlal
Les policiers, traduits en justice un an plus tard, seront acquittés.
Amadou Diallo devient un symbole de la brutalité policière envers les Noirs.
Taha ADNAN
Né en 1970 à Safi, Taha Adnan a grandi à Marrakech où il participe en 1994 à la publication d’Algarade poétique, une revue dédiée à une nouvelle poésie contestataire. Il vit à Bruxelles depuis 1996, où il a poursuivi des études supérieures en Management et en GRH avant de travailler au Ministère de la Communauté française.
Son premier recueil, publié en 2003, a été primé et republié aux Emirats Arabes Unis. Une traduction française de ses poèmes - Transparences - est parue en octobre 2006 chez "L’Arbre à Paroles".
Son dernier livre de poèmes "Je hais l’amour" est paru, en arabe, en 2009. Une édition bilingue arabo-française est parue aux éditions "Le Fennec" à Casablanca en février 2010.