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Article paru dans la revue Antipodes : "Le JIM, un nouveau journal indépendant, engagé et divers"

lundi 4 octobre 2010, par JIM

Nous reproduisons un article de présentation du JIM, écrit par son équipe, pour le journal Antipodes [1]. Il nous était demandé, notamment, de réfléchir à la question de la diversité.

Le Journal indépendant et militant, JIM, est né de la volonté de quelques personnes en 2009. Le projet est simple : face à des médias qui ne reflètent pas le monde dans lequel nous vivons, le JIM a voulu fournir une autre information. Plus rigoureuse, plus recherchée, non soumise aux diktats financiers et politiques, cette information est aussi beaucoup plus engagée et affiche un anticapitalisme construit. Fonctionnement et principes.

Le JIM a adopté un rythme de parution mensuel : tout au long du mois, les articles du numéro sont publies sur le site. Un numéro est généralement consacré à un thème choisi par le comité de rédaction : le féminisme, la violence légale, le monde du travail, le consumérisme, l’écologie. Vu le bénévolat, l’ampleur du travail et la volonté de travailler de manière collaborative, le JIM ne se limite pas à un comité de rédaction. Il fait appel à des auteurs [2] occasionnels ou plus réguliers ou est contacté par ceux-ci. Cela procure au journal une ouverture et une grande diversité d’opinions. Avec, néanmoins, une précision établie dès le départ : les articles ne peuvent pas aller à l’encontre d’une charte, véritable ossature du journal [3]. Pour autant ce n’est pas faire du sectarisme. La charte reprend certes des principes de base que le JIM s’est fixé préalablement mais recherche aussi l’ouverture.

Premièrement, il s’agissait de définir des exigences assurant la possibilité d’écrire collectivement un journal. Le JIM a donc fait le pari de l’indépendance économique et politique : pas de revenus de la publicité, pas de contrôle actionnarial, indépendance vis-à-vis des partis et autres organisations. Ce qui n’empêche pas que, individuellement, chaque membre du comité de rédaction puisse avoir un autre militantisme.

Ensuite, la charte assure une certaine qualité des articles. Non par rapport à leur conformité à certaines pratiques journalistiques actuelle (extrême brièveté, rapidité de la publication), mais en privilégiant la rigueur et le matérialisme scientifiques (e.a. sérieux des sources et mention de celles-ci, de même qu’une critique des médias dominants). La définition de la rigueur s’inscrit également dans un esprit d’ « autodéfense intellectuelle » [4]. En fait, chaque lecteur de quelque journal que ce soit est en droit d’attendre (et d’obtenir) des articles respectant ces principes. Mais c’est loin d’être le cas.

La deuxième partie de la charte concerne l’engagement du JIM. Elle met en avant des principes d’égalité, de liberté, de solidarité, d’ouverture, et d’écologie. Comme le souligne la charte, les trois premiers principes s’imbriquent les uns dans les autres : Par égalité, nous entendons le refus de toute forme de domination, d’exploitation ou de discrimination, qu’elle soit d’ordre économique, social (dont raciste, sexiste), nationaliste ou impérialiste. Le principe d’égalité rime avec celui de liberté, qui se décline en liberté d’opinion, d’expression, d’association, de circulation, d’orientation amoureuse… Mais pas seulement. La liberté, c’est aussi le droit à l’émancipation et la possibilité de poser des choix de vie. Le concept de liberté est lié, notamment, au refus du dogmatisme et de l’autoritarisme, qu’ils soient religieux, politiques ou économiques. La solidarité avec celles et ceux qui luttent pour l’égalité et la liberté s’inscrit logiquement dans la liste de nos préoccupations.

Deux autres fondements de l’engagement du JIM complètent la charte. L’ouverture répond à la volonté de ne pas se plier à une ligne quelconque. Le JIM ne veut pas se contenter de ses propres idées mais souhaite au contraire partager avec tout qui s’intéresse au projet, qu’il veuille écrire, mettre d’autres ressources à disposition, ou simplement critiquer un article. Enfin, il était nécessaire d’évoquer l’écologie, tant elle est tendance avec le greenwashing [5] mais, aussi, tant elle porte en elle la critique d’un système productiviste.

Cet engagement se traduit concrètement par le souci de mettre des outils à disposition de ceux qui luttent : contre-informations, analyses, voire manuels.

Enfin, et c’est un objectif qui est loin d’être atteint, le JIM se veut à « vocation populaire ». Si le JIM relaye des informations plus axées sur les besoins et préoccupations de la population [6] il ne parvient pas toujours à trouver un style ou une communication lui permettant d’être accessible au plus grand nombre [7].

Tous ces éléments fournissent ainsi une base de rédaction, complétée par un travail administratif et technique parfois fastidieux (conception web, questions pratiques, contacts avec les auteurs, propagande). Le projet est suffisamment enthousiasmant que pour le poursuivre après un an.

Le dénominateur commun qu’est la charte a permis de regrouper des personnes aux horizons multiples : journalistes, informaticiens et graphistes, enseignants, syndicalistes, chercheurs, etc., En parallèle, les articles écrits par une bonne cinquantaine d’auteurs ont un style souvent très différent et une manière d’aborder leur sujet qui favorise le débat et la confrontation d’idées.

Thèmes et articles

Lors de sa première année d’existence, le JIM s’est attaché à définir des thèmes pour la plupart de ses numéros. L’objectif consiste bien souvent à mettre en avant un sujet pas ou mal traité par les médias. Le numéro un fut ainsi consacré à la violence légale et à ce qu’a de commun la répression à l’encontre des sans-papiers, des plus pauvres ou des militants. Il est vrai que nombre de membres du comité de rédaction se sont impliqués dans une lutte ou une autre et sont régulièrement confrontés à la violence policière ou judiciaire. Les auteurs ont été recherchés via les réseaux de chacun ou ont directement proposé un article au JIM. 

Et il en va ainsi de chaque numéro thématique. Précarité et pauvreté, Ecologie et capitalisme, consumérisme, atteintes à la vie privée avec le numéro Big brother, lutte des classes dans le cadre de Merci patron !, Enseignement, etc. Chaque fois un autre regard est apporté : la carte Mobib présentée comme une modernisation de la Stib est abordée sous l’angle de la violation de la vie privée à des fins commerciales, L’école Pédagogie Nomade, qui œuvre à la pédagogie alternative est décrite sur base de son projet et non des problèmes rencontrés avec la police ; les évacuations « pacifiques » de sans-papiers sont vues à travers ce qu’on réellement vécu les migrants, les articles consacrés au contrôle des chômeurs reviennent sur l’hypocrisie gouvernementale et les engagements non-tenus des partis dits de gauche ; les lois antiterroristes et le discours qui les accompagne sont décortiquées pour montrer le danger qu’elles représentent concrètement pour tout discours ou actions contraire à l’ordre établi.

Le JIM laisse aussi la place à de nombreuses brèves, à des chroniques spécifiques, consacrées à la culture alternative ou engagée, au sens des mots et à leur usage, à la philosophie. Les prochaines éditions virtuelles du JIM analyseront ensuite les luttes dans le monde, les choix des groupes de militants ayant décidé de se mettre « hors-la-loi » ou à sa frontière, la culture engagée et les médias.

La diversité et le JIM

A vrai dire, le JIM ne s’est jamais véritablement posé la question de la diversité. Fournir une autre information était et est notre critère de départ. Notre objectif n’est pas de nous noyer dans la multitude peu diversifiée des médias dominants. Après réflexion, nous pouvons dire que nous vivons la diversité de trois manières différentes.

Sur le fond et la forme tout d’abord. Si les articles respectent une charte, ils ne sont pas pour autant homogènes. Les styles d’écritures, le recours à une grande majorité d’auteurs non-journalistes amènent le compte-rendu presque brut de témoignages à côtoyer des articles universitaires en passant par des traductions inédites d’articles. Un thème sera donc abordé de multiples façons différentes. Cela suscite des débats parfois intenses. Ce fut le cas lors de la parution d’un article sur la prostitution (faut-il aller dans la voie de son abolition, de sa légalisation, trouver un intermédiaire ?) dans le cadre d’un numéro consacré au féminisme ou encore de nos articles consacrés aux élections et plus particulièrement sur l’(in-)utilité du vote en Belgique. Au sein de la gauche radicale, ces sujets sont l’objet de discussions et de positionnements très divergents. Publier ce type d’articles est une manière de stimuler la diversité de points de vue (et de voir si un consensus peut être trouvé). Et, bien entendu le choix des thèmes, l’angle des articles sont également une preuve de diversité. Ainsi, le féminisme se voit bien souvent restreint à la question du voile tandis qu’une journée, le 8 mars, est médiatiquement transformée en commémoration et que, ce jour-là, le sujet des hommes battus sera abordé par l’un ou l’autre quotidien pour soi-disant lutter contre les idées reçues .

Sur la structure, ensuite. Si le style des articles varie, c’est entre autres parce qu’il est lié à la formation. Néanmoins, la plupart des auteurs ont fait des études supérieures, bien souvent universitaires . Cela étant, 20% environ des auteurs sont étrangers ou d’origine étrangère . Un tiers des auteurs sont des femmes et la majorité du comité de rédaction, l’instance dirigeante, est constituée de femmes. Point de grande analyse sociologique ici mais cette diversité dans la structure, encore insuffisante, est néanmoins essentielle à assurer la diversité des visions. Peu d’entreprises privées ou d’associations militantes peuvent se prévaloir d’une telle pluralité de profils. Et, par des réunions occasionnellement ouvertes à tout qui est intéressé, le JIM veille aussi à maintenir dialogue et discussions plutôt que de rester cloisonner dans un groupe restreint.

Enfin, dernier aspect, plus engagé, sur la diversité. Pour le JIM, il est clair que la diversité d’opinions n’est pas une fin en soi. Les grands médias souvent contrôlés par les riches et les puissants [8] et tous dépendants des recettes publicitaires sont bien souvent, de manière globale , de simples relais de l’information consentie par le pouvoir. On y lit, entend et voit un discours tout préparé et largement dominant sur, par exemple, la nécessité des lois « antiterroristes », la nouvelle « croissance verte », la « limitation du droit de grève », les chômeurs « fraudeurs » ou « paresseux ». Lorsqu’une parole plus populaire est présente, elle est souvent placée de manière à être dénigrée parce que peu intellectuelle, ou parce que prise sur le vif sous forme de micro-trottoirs. Les journalistes, en règle générale, s’interrogent peu sur le pourquoi du propos tenu. Tout cela n’est finalement qu’apparence de diversité. De même, les moyens du JIM et ceux d’autres initiatives du même type ne font pas jeu égal avec le « parti de la presse et de l’arge

par Le JIM

Notes

[1trimestriel du Centre de formation pour le développement et la solidarité internationale (ITECO)

[2Y compris à l’étranger et dans d’autres langues.

[3Il aura fallu un an de discussions avant le lancement pour la rédiger.

[4En référence au Petit cours d’autodéfense intellectuelle,de Normand Baillargeon (Lux Éditeur, 2005, 2006), qui a lui-même emprunté l’expression à Noam Chomsky.

[5Le greenwashing est une tendance lourde de l’industrie et du monde politique visant à vanter des pratiques « écologiques » (sans qu’elles le soient forcément) pour en masquer d’autres. Le pétrolier Total bâtisseur d’éoliennes, ou les investissements environnementaux des banques, par exemple.

[6Ainsi le thème du JIM numéro 3 de novembre-décembre 2009 : précarité et pauvreté. Malgré un discours dominant des grands médias, le chômage reste la préoccupation majeure des Belges selon un sondage allemand de juin 2010. Ce n’est donc pas la criminalité ou l’immigration.

[7Ce que parvient à faire, dans un autre registre, l’hebdomadaire du Parti du travail de Belgique, Solidaire.

[8En Belgique, le groupe Corelio (Vers l’Avenir, De Standaard, Het Nieuwsblad) est propriété de Thomas Leysen, président de la Fédération des entreprises de Belgique. En France, Le Figaro appartient à Serge Dassault, et TF1 au groupe Bouygues, géant de la construction et des télécoms.

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